Conseil municipal de Saponé : Une session extraordinaire dans un climat de latence

Publié le mardi 12 décembre 2017 à 21h54min

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Conseil municipal de Saponé : Une session extraordinaire dans un climat de latence

Le Conseil municipal de Saponé a tenu ce mardi, 12 décembre 2017, une session extraordinaire. Cette rencontre s’est tenue dans les locaux du CPL (Centre populaire et loisir) de Saponé, les locaux de la mairie étant tenu par les Forces de l’ordre. De son côté, le camp adverse tient et défend sa position. Le « problème de Saponé est plus profond qu’on ne le pense », apprond-on de ce dernier.

« Ce matin nous avons constaté que l’accès à la mairie nous a été interdit par la police, la CRS précisément, dont le chef a dit avoir reçu des instructions d’empêcher l’accès au domaine de la mairie », a expliqué le maire, Abdoulaye Compaoré. Motif de l’interdiction ? « Ils ne nous ont pas donné les raisons. Mais nous avons été touchés hier, au cours de la nuit, par une correspondance datée d’hier 11 décembre disant de ne pas tenir la session parce qu’il y avait des risques d’affrontements. C’est certainement pour cette raison que la CRS (compagnie républicaine de sécurité) nous a empêchés d’accéder à la mairie », a-t-il exploré, précisant que la note est signée par le haut-commissaire (tutelle hiérarchique).

Le maire a-t-il bravé l’interdiction ? « Les raisons qui ont été invoquées dans la correspondance pour dire de ne pas tenir la session n’existent, en réalité pas. Nous avons remarqué que toutes les fois qu’on nous dit de suspendre la tenue d’une session, ce sont toujours les mêmes raisons qui sont évoquées, à savoir qu’il y a un risque de troubles, un risque d’affrontements. C’est dire que, si on doit aller dans ce sens-là, il n’y aura de session à Saponé. Alors que ces risques dont on parle sont, j’allais dire, des feux de pailles ; sur le terrain, il n’y a en réalité pas ce risque. Nous avons tenu la session la dernière fois, il n’y a pas d’affrontements et cette session également, nous l’avons tenue et il n’y a pas eu affrontements. Mieux, le nombre de conseillers à la session a augmenté ; la dernière fois, nous étions à 54 conseillers plus une procuration et aujourd’hui nous sommes à 60 conseillers, qui étaient physiquement présents (sur 80 conseillers). Et même là, c’est parce que, justement, on a dit à certains de ne pas venir, qu’il n’y aura pas de session, qu’elle a été annulée ; c’est pour cela que nous sommes à ce nombre, sinon on aurait pu dépasser la soixantaine », a confié Abdoulaye Compaoré.

Le maire ne craint-il pas d’éventuelles sanctions à son encontre ? Sur cette question, M. Compaoré exprime : « dire que je les crains, ce serait mentir, dire que je ne les crains pas aussi, ce ne serait pas juste. En tous les cas, quand un acte est posé, il faut donc s’entendre à assumer les conséquences ; parce que, ce n’est qu’hier nuit que nous avons été touchés par correspondance pour nous dire de ne pas tenir la session. Mais les gens étaient déjà fin prêts et les populations étaient-là (il y aurait eu mobilisation des deux camps dans la nuit de lundi à mardi 12 décembre devant la mairie ; une initiative dissuadée par les éléments des Forces de l’ordre sur place, ndlr). Nous avons préféré donc la tenir et d’envoyer les documents aux services destinataires (autorités, ndlr) qui vont en tirer toutes les conséquences. Si nous ne tenions pas cette session, nous nous mettions à dos les populations, qui s’étaient préparées pour que cette session se tienne ».

Sur l’incendie de la mairie (intervenu dans la nuit de jeudi 7 au vendredi 8 décembre 2017), le maire soutient qu’il s’agit de l’œuvre de gens qui se sont donné pour objectif d’empêcher la mairie de fonctionner comme il se doit. « C’est un incendie criminel, comme je l’ai dit, c’est un acte prémédité ; parce qu’il y avait des bidons d’essence qui ont servi à asperger les bureaux et ensuite, le feu a été mis. C’est dire donc que, ce sont des gens qui se sont fixé comme objectif d’empêcher la mairie de fonctionner. Mais, nous n’allons pas aller dans ce sens, nous allons plutôt inviter les uns et les autres à laisser tomber les querelles, parce que dans cette situation, personne ne gagne », a-t-il soutenu avant de lancer une invite à la tempérance.

Première session extraordinaire de l’année, cette entrevue avait à son ordre du jour, entre autres, l’adoption du procès-verbal de la session passée, l’adoption du budget primitif de 2018, la création d’un service foncier rural et des divers. La session a aussi adressé une ‘’motion de recommandation aux autorités administratives et judiciaires à mettre leurs compétences en exergue pour démasquer et traduire devant les tribunaux les auteurs de cet incendie afin qu’ils soient sanctionnés à la hauteur de leur forfaiture’’ ; ‘’une motion de condamnation des actes de violence sur les personnes et les biens publics et privés’’. Les conseillers participants ont également lancé une ‘’quête’’ publique pour la ‘’réfection’’ de la mairie.

Dans l’autre camp, l’on est également sur sa position et scrute la situation. « En réalité, c’est un problème qui nous dépasse, c’est une question qui date d’il y a plus de cinquante ans », ont confié un groupe de jeunes protagonistes à Saponé-marché. Selon leurs explications, c’est une difficulté qui trouve sa source dans la chefferie. Ils appellent donc à résoudre le problème, une bonne fois pour toute. « Nous sommes nés trouver le problème, mais nous ne souhaitons pas qu’il nous survive jusqu’à nos enfants », ont-ils émis.

A en croire les interlocuteurs, c’est pour minimiser cette ‘’profonde’’ préoccupation qu’il a été ‘’institué’’ une sorte de rotation dans la gestion de la mairie entre les grandes zones de la commune. « Ils ont tout fait pour créer des problèmes à Idrissa Ouédraogo (maire sorti) parce qu’il est de Saponé-marché et ils se sont appropriés la mairie. Dès lors, nous ne pouvons pas rester les bras croisés, parce que dans la gestion de la mairie, c’est prévu qu’il y ait une rotation entre les zones », défendent-ils, soutenant également que Saponé-marché a toujours été favorisé (écoles, électrification, infrastructures sanitaires, etc.).

Relevons au passage que la mairie de la commune est située à Saponé-centre sur la route départementale N°39 à environ sept kilomètres à l’ouest de Saponé-marché qui, elle, est traversée par la route nationale 6. Se sentant donc brimés dans la situation actuelle, les interlocuteurs de Saponé-marché n’émettent qu’un seul appel : placer la commune sous délégation spéciale et entamer des démarches sérieuses entre ces deux zones aux fins de trouver une solution définitive à cette situation lointaine.

Sur l’incendie de la mairie, les protagonistes ont une autre lecture … ‘’Nous encourageons la police criminelle à poursuivre ses investigations et à vite faire éclater la vérité ; parce qu’il y a des interrogations sur cette affaire. La mairie a deux gardiens. Alors, comment se fait-il qu’à 4 heures du matin (l’incendie serait survenu autour de 4h, ndlr), les deux aient déserté les lieux pour, disent-ils, aller se doucher à la maison ? Comment se fait-il également que ce soient les services importants (bureau du maire, celui de la secrétaire et la comptabilité) qui ont été brûlés ? Dieu merci, les bidons d’essence qui a servi à asperger ont été retrouvés sur place ; je pense qu’à l’aide des empreintes digitales, la police pourra aboutir à la vérité. C’est tout ce que nous attendons avec impatience… ’’, contredisent-ils ainsi les propos du maire.

De leur analyse, cet incendie, intervenu à l’approche de la session à laquelle s’opposait leur camp, visait à faire arrêter des leaders de leur mouvement aux fins de casser la lutte engagée. Et puis, « nous avons été surpris, parce que le 8 décembre (2017), nous avions convié les journalistes pour une conférence de presse ici même (Saponé-marché) et c’est quand nous nous attelions à cette activité que nous avons appris l’incendie de la mairie. Du coup, nous avons décidé de surseoir à la conférence, à quelques minutes de sa tenue. Nous étions donc choqués d’entendre le maire dire, quelques heures seulement après le sinistre, que la session se tiendra, sans même se préoccuper de ce qui s’est passé à la mairie ».

Pour ces mécontents, en plus de la volonté de faire arrêter des leaders de leur camp, l’incendie de la mairie pourrait aussi être motivé par la partie adverse pour faire disparaître des traces de dossiers accablant des proches. A en croire ces protagonistes, de nombreux dossiers de malversations et de pillages dans la commune existent et attendaient d’être clarifiés… Là-dessus, ils citent en exemples des personnes qui se seraient bâties une fortune par des pratiques pernicieuses.
Ainsi, peut-être posé comme problème à résoudre à Saponé, dira-t-on.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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