Environnement : Le plaidoyer de l’ONG Naturama pour sécuriser les corridors biologiques entre le Burkina et le Ghana

Publié le mercredi 31 juillet 2019 à 16h00min

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Environnement : Le plaidoyer de l’ONG Naturama  pour sécuriser les corridors biologiques entre le Burkina et le Ghana

Face aux menaces multiformes de l’écosystème des deux corridors biologiques - le premier reliant le Parc national de Pô dit Kaboré-Tambi (PNKT) à la Forêt classée /Ranch de gibier de Nazinga (FC/RGN) et le second reliant le PNKT à la Red Volta Valley au Ghana -, l’ONG Naturama, de concert avec ses partenaires techniques et financiers, a initié, du 22 au 26 juillet 2019 dans les localités de Gon-Boussougou, Zoaga, Zabré, Ziou et Pô, une caravane de plaidoyer pour la sécurisation de ces deux corridors biologiques. Ces plaidoyers ont eu pour objectif de doter les deux corridors d’un statut juridique sécurisant et de favoriser l’adhésion des communautés riveraines à la gestion durable des corridors biologiques.

Occupation de la faune sauvage par les hommes, recrudescence des conflits hommes-faune et diverses formes d’exploitations néfastes des ressources naturelles. Ce sont entre autres les comportements qui menacent les corridors biologiques, notamment le corridor N°1 reliant le Parc national Kaboré-Tambi (PNKT, aussi connu sous l’appellation Parc de Pô) à la forêt classée/Ranch de gibier de Nazinga (FC/RGN) et le corridor N°2 reliant le PNKT à la Red Volta Valley (Eastrem Corridor) au Ghana. Ce réservoir inestimable de diversité biologique, qui permet aux animaux de migrer entre le Burkina et le Ghana ou entre les différentes aires protégées du complexe Po-Nazinga-Sissili (PONASI), souffre d’une dégradation croissante liée aux importantes pressions anthropiques.

Au regard de ces préoccupations, l’ONG Naturama, en collaboration avec ses partenaires techniques et financiers, a organisé une sortie de terrain dans les localités des deux corridors, notamment Gon-Boussougou, Zoaga, Zabré, Ziou et Pô, pour sensibiliser les populations à la nécessité de préserver et conserver cette biodiversité naturelle.

Gomgnimbou Assane prmier adjoint du maire de Po

Ainsi, dans leur démarche pour doter les deux corridors d’un statut juridique sécurisant, l’ONG Naturama et ses partenaires se sont entretenus avec les collectivités territoriales sur les problèmes, les solutions et les enjeux des corridors.

Ils ont aussi sensibilisé les communautés concernées à l’importance de la sécurisation des corridors biologiques et sollicité leur accompagnement et leur engagement pour la protection de ces corridors. « Avoir une caravane de plaidoyer pour la protection de ce bien naturel est un honneur pour la commune. Et plaider pour la sécurisation des corridors est une grande œuvre utile ; cela va permettre aux populations riveraines de savoir gérer ce bien », s’est réjoui Assane Gomgnimbou, adjoint au maire de Pô.

Issaka Kaboré ,communicateur du groupe de plaidoyer

Ainsi, dans toutes les différentes localités, les populations ont marqué leur adhésion et leur engagement à soutenir le plaidoyer pour permettre aux deux corridors de disposer d’un statut juridique.

Pour les populations, ce statut juridique permettra de définir clairement un canevas pour sécuriser les corridors. Pour Issaka Kaboré, membre du groupe de plaidoyer, « le message est passé au niveau des communautés. Durant le parcours dans les différentes communes, les communautés ont certes soulevé des préoccupations, mais elles n’ont aucunement remis en cause l’existence des corridors ».

Il poursuit en affirmant que les populations ont des attentes fortes et espèrent que les corridors seront dotés d’un statut juridique clair. Ce qui va permettre d’avoir des initiatives pour créer des projets, réaliser des aménagements au profit des communautés riveraines et favoriser une cohabitation harmonieuse entre les hommes et la faune.

Une carte de localisation des corridors

Cependant, les propriétaires fonciers ont exprimé leur frustration au regard du processus de dédommagement lors de la création des deux corridors. Ils ont aussi dénoncé les dégâts causés par certains animaux (les éléphants par exemple) dans leurs champs. Pour certains paysans, « l’Etat accorde plus de droits aux animaux qu’a l’humain ». Mais pour les experts du groupe de plaidoyer, cette vision est à bannir car au Burkina, aucun animal ne peut prétendre avoir plus de droits qu’un humain.

Par ailleurs, le manque de statut juridique empêche les services des Eaux et forêts d’accomplir leur travail de surveillance dans ces corridors, alors que les éleveurs en ont fait une zone de pâturage. Ce comportement réveille le courroux des agriculteurs qui menacent de revenir cultiver si des dispositions ne sont pas prises pour stopper ce retour des éleveurs dans le corridor.

En ce qui concerne la cohabitation hommes-faune, les experts du groupe de plaidoyer ont prouvé que seule l’organisation des corridors à travers des aménagements peut contribuer à lutter contre les dégâts des éléphants. Et plusieurs techniques existent comme les petits champs de piment, les ruches et la création des vallées dans les corridors.

(Vidéo de l’agent des eaux et forêts Nagom K. Batté)

une carte montrant l’écosystème naturel

Malgré les difficultés causées par les animaux et les questions liées au dédommagement, les populations des communes concernées ont toutes reconnu l’importance des services écosystémiques fournis par ces corridors. Ils contribuent à atténuer les conflits hommes-faune, à valoriser le potentiel écotouristique de la zone et à la préserver comme sanctuaire de diversité biologique.

Dans ce contexte de changement climatique, les communautés riveraines ont souhaité que le groupe de plaidoyer interpelle les autorités publiques à faire de l’opérationnalisation de ces deux corridors une réalité, en dotant les corridors d’un statut juridique. Elles ont encouragé le groupe de plaidoyer à poursuivre le travail pour permettre de protéger ces ressources naturelles qui sont des biens publics mondiaux.

En rappel, ces deux corridors ont été créés à la faveur de la composante PONASI du Projet de partenariat pour l’amélioration de la gestion des écosystèmes naturels (PAGEN) exécutés entre 2002 et 2007, avec un financement de la Banque mondiale.

Issoufou Ouédraogo
Lefaso.net

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